dimanche 4 mai 2014

Le Spleen de Paris, prolongement inachevé de Tableaux Parisiens

Après la publication des Fleurs du mal, Baudelaire se tourne vers une écriture libérée des contraintes formelles du vers et de la rime. Il cherche un nouveau mode d'expression poétique, correspondant à sa conception de la modernité, « une phrase souple et musicale ».

recueil inachevé de « poèmes en prose »
genre littéraire inventé par Aloysius Bertrand dans Gaspard de la nuit (1842)
œuvre « en chantier », non fini, ouverte, hétérogène, expérimental.

Lecture comparée de « A une passante » et de « le désir de peindre » :

« Le désir de peindre » :

  • figure de la est + complexe, + flou, + contradictoire que dans « A une passante » malgré long discours descriptif
    entraîne le lecteur dans un dédale de comparaison + métaphore astre noir », « lune sinistre »…)
      rendent l'image de l'inconnue abstraite.
    privé de l'apostrophe présente dans le sonnet
      = côté + de froid et neutre que la parole lyrique et tourmentée du poème de
  • Jeu de clair-obscur (« nuit » – « ciel livide »)
  • fin du poème = dualité du visage de la passante
    sa bouche et son rire s'oppose à l'éclat sombre de son regard / du haut de son visage

  • Baudelaire :
    - instaure une distance importante entre lui et son sujet,
    - semble vouloir contrôler, maîtriser l'émotion dans l'art (ligne 1),
    - contribue à effacer les frontières précises du genre et du langage poétique
    (qu'est-ce qui fait qu'un texte relève de la poésie ?)

  • écriture perd en intensité, en force expressive mais + souple, + accessible, + proche du lecteur.
  Malheureux peut-être l'homme, mais heureux l'artiste que le désir déchire!
   Je brûle de peindre celle qui m'est apparue si rarement et qui a fui si vite, comme une belle chose regrettable derrière le voyageur emporté dans la nuit. Comme il y a longtemps déjà qu'elle a disparu!
   Elle est belle, et plus que belle; elle est surprenante. En elle le
noir abonde: et tout ce qu'elle inspire est nocturne et profond. Ses yeux sont deux antres où scintille vaguement le mystère, et son regard illumine comme l'éclair: c'est une explosion dans les ténèbres.
   Je la comparerais à un
soleil noir, si l'on pouvait concevoir un astre noir versant la lumière et le bonheur. Mais elle fait plus volontiers penser à la lune, qui sans doute l'a marquée de sa redoutable influence; non pas la lune blanche des idylles, qui ressemble à une froide mariée, mais la lune sinistre et enivrante, suspendue au fond d'une nuit orageuse et bousculée par les nuées qui courent; non pas la lune paisible et discrète visitant le sommeil des hommes purs, mais la lune arrachée du ciel, vaincue et révoltée, que les Sorcières thessaliennes contraignent durement à danser sur l'herbe terrifiée!
   Dans son petit front habitent la volonté tenace et l'amour de la proie. Cependant, au bas de ce visage inquiétant, où des narines mobiles aspirent l'inconnu et l'impossible, éclate, avec une grâce inexprimable, le rire d'une grande bouche, rouge et blanche, et délicieuse, qui fait rêver au miracle d'une superbe fleur éclose dans un terrain volcanique.
   Il y a des femmes qui inspirent l'envie de les vaincre et de jouir d'elles; mais celle-ci donne le désir de mourir lentement sous son regard.

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